A la suite du décès d'un cousin éloigné, 2 frères partent pour quelques jours vider la maison dont l'un deux vient d'hériter, là bas au beau milieu de nulle part, dans les montagnes du massif Central.
A leur arrivée tout ne se passe pas comme prévu, une jeune fille du village est décédée, l'enterrement est pour le lendemain, on videra la maison du cousin plus tard.
Cet épisode est l'occasion pour l'auteur de nous dresser un portrait des habitants de ces hameaux perdus, puisque tout le monde vient rendre visite à la famille pour la veillée funèbre.
C'est l'occasion aussi pour lui de se souvenir de ces étés passés là bas durant sa jeunesse, d'évoquer son père et de ces histoires de famille qui se murmurent.
Autant le dire de suite Pierre Jourde ne nous épargne rien des travers des personnes croisées, de l'alcoolisme patenté de certains, des handicaps physiques ou mentaux d'autres, de la crasse cachée par l'éclairage chiche des habitations, des odeurs fortes du purin qui tapisse les cours des fermes, de la rudesse du travail en altitude et des traces qu'il laisse sur les hommes et leurs chairs, des fermes encombrées d'objets devenus indéfinissables avec le temps, des rancoeurs familiales incompréhensibles.
Ces portraits sont tellement forts que Pierre Jourde a eu des soucis avec les habitants d'un petit village où il possède une ferme familiale et qui se sont reconnus dans ces personnages de papier. Des insultes, des coups furent échangés et le tout fini au tribunal ensuite.
Jourde a t il trop forcé le trait, allant jusqu'à dresser un portrait à charge de ce coin de France, drapé dans son statut de prof de littérature/écrivain et armé d'un style parfois aussi rude que les montagnes et les volcans du Cantal qu'il décrit ?
Je ne crois pas.
Le plus intéressant dans ce livre me semble être surtout que l'auteur nous dépeint un monde qui est en train de disparaître, celui de la paysannerie de montagne qui ne peut, comme ailleurs, utiliser l'agriculture et ses moyens modernes du fait de la topographie des lieux (terrains tous en pente), de l'éloignement géographique, d'un réseau routier primaire, de l'âge avancé des habitants sans renouvellement démographique possible (couples proches des 80 ans ou vieux garçons).
il ne reste plus qu'une seule chose à faire : attendre que ces gens meurent, sans autre espoir.
Le vent lui continuera à souffler et balaiera des maisons vides, écroulées, habitées à une époque par des gens dont plus personne ne se souviendra.
Il me semble surtout qu'au travers de ces portraits féroces parfois, les réactions épidermiques que ce livre à causées s'expliquent aussi par le miroir qu'il tend à cette paysannerie, la mise à nue de sa situation, et qui voit dans ces pages son absence d'avenir, son statut de "derniers des Mohicans".
Tristement superbe.
Pays perdu - Pierre Jourde - 2003 - Pocket