"..... Je crois que c'est parce que la plupart des gens renoncent au bout d'un moment. Comme j'ai déjà dit, il y en a pas mal qui diront : "j'écoutais pas mal de Motörhead ", ce qui laisse supposer que l'on ne peut plus faire ça quand l'on devient adulte....."
Ces mots arrivent à la fin d'un bouquin sur Lemmy, Motörhead, sa vie, ses bières, sa basse, le rock and roll circus et les filles sortit aux Editions du Camion Blanc sous le titre "La fièvre de la ligne blanche".
Le bouquin en lui même est agréable (même s'il l'on sent plutôt la retranscription d'heures d'entretien plutôt qu'une vraie bio rédigée dans les règles de l'art), Lemmy a la langue bien pendue et le bonhomme est plutôt sympathique au final.
Mais ce qu'il dit sur le renoncement lors du passage à l'âge adulte m'a moi aussi toujours beaucoup frappé.
Malheureusement Lemmy en reste là, sur ces quelques mots, sans plus approfondir ce sujet (vous me direz c'est pas non plus son rôle) qui me semble être quelque chose de très répandu et de très intriguant.
On a tous connu ou eu dans notre entourage entre 15 et 25 ans des ami(e)s qui adoraient qui la musique, qui le ciné ou la littérature ou le modélisme par exemple.
Ce goût semblait être une chose établie chez eux, une part irremplaçable de leur être.
Puis on a assisté en quelques mois ou quelques années chez ces même personnes a une espèce de métamorphose, notamment au moment de la rencontre sérieuse avec L'autre ou de l'arrivée de leurs enfants.
Toutes ces idoles hier sacrées ont alors été, parfois en un clin d'oeil, complètement délaissées, renversées transformant nos ami(e)s, hier si prompts à courir voir le dernier Kitano ou écouter le nouveau Cure, en consommateur de la culture qui n'auront vu en 2008 que "les Ch'tis" ou lu que le dernier Marc Lévy.
Faut il alors en déduire que tout ce qu'ils ont pu faire, et donc dire, durant toutes ces années n'était que du conformisme pour se retrouver au chaud au milieu d'un groupe en attendant (consciemment ou non) qu'autre chose n'arrive et réponde pleinement à ce qu'ils/elles étaient vraiment ?
Ou, comme le dit Lemmy, certaines personnes considèrent elles que cet amour pour le hard rock, les mangas ou Stephen King n'est en aucun cas compatible avec une vie de couple et de famille ensuite et qu'ils/elles y renoncent alors, tirant un trait définitif sur cette époque ?
Peut être peut on aussi émettre l'idée que, dans ce second cas de figure, le goût pour Motörhead ou la BD est lui indissoluble dans la vie d'adulte mais que l'intérêt pour James Joyce ou le jazz, vus comme plus "sérieux", va tout a fait pouvoir cohabiter avec une vie adulte.
Personnellement j'ai vécu le premier cas de figure.
Je suis sortis avec une fille qui n'écoutait pas de musique au début et qui s'est mise à acheter du Dead Can dance, du Trisomie 21, du Sisters of Mercy et même à aller voir Christian Death en concert (oui c'était pas hier) car tout cela était mon quotidien musical et celui de certains de mes amis.
Après notre séparation nous nous sommes revus 1 an plus tard, dans son nouveau chez elle, enfin leur nouveau chez eux (depuis ils se sont mariés et on peut être même divorcés tiens).
Et là oh surprise, plus aucun album sur ses, enfin leurs étagères, rien, nada. Juste une pauvre K7 de Dead Can Dance copiée.
Le choc fut rude, comme si ces 2 ans passés avec moi avaient été peu importants, maintenant balayées.
J'ai eu l'impression que ce que nous avions alors fait ou dit ensemble n'avaient, pour elle en tout cas, été qu'un pis-aller et que sa vraie vie commençaient maintenant.
Je n'ai pas osé cette fois là (je ne l'ai pas revue ensuite) lui demander pourquoi il ne restait que cette K7 oubliée sur son étagère.
J'aurais peut être dû, cette phrase de Lemmy 15 ans plus tard, me montre que cette question est toujours importante pour moi et qu'elle n'a aucune réponse à l'heure actuelle.
"On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d'années, on devient vieux parce qu'on a déserté son idéal. Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l'âme." Général Mac Arthur