Les choses avaient pourtant bien commencées.
Petit restaurant en bas du village magnifique de Mirmande (attention site moche, mais les photos donnent une bonne idée du lieu).
Samedi soir sur la terre, en terrasse, dans une petite rue étroite bordée de maisons au moins centenaires, en pierres.
La chaleur est tout autour de nous, mais notre table nous attend tranquillement à l'ombre.
Sur notre droite un chèvrefeuille mange toute la longueur de la façade du restaurant, il retombe gracieusement au dessus des tables et abrite aimablement les clients.
De petites ampoules multicolores au milieu des feuilles vont ensuite s'éclairer dans la soirée et maintenir une douce lumière pour nos yeux fatigués par tant de lumière solaire.
Les volets des chambres au premier étage disparaissent presque dans la verdure, on imagine aisément se lever le matin les pousser avec difficulté puis voir la vallée devant nous s'étaler avant d'aller déjeuner, en passant par un vénérable escalier en bois qui ne manquerait pas de craquer sous nos pas.
Les menus font état de nems de saumon, de pastilla d'agneau au miel, de crème brulée au citron vert (un délice soit dit en passant), le Crozes Hermitage blanc frissonne dans son seau plein de glaçons.
Bref nous sommes au paradis.
Sauf que......
Nous sommes le 21 juin et depuis que Jack Lang, en 1982, a trouvé l'idée formidaaaable de permettre à tous de faire profiter les autres de ses talents musicaux (réels ou supposés) c'est une date à ne pas mettre un mélomane dehors de peur d'être terrassé par une reprise de Téléphone au coin d'une rue ou d'être retourné par la lucide rhétorique d'un groupe de ska festif qui ne kiffe point trop la politique néo libérale de notre gouvernement.
Je m'étais dis que dans un petit village du sud de la Drôme on ne risquait pas grand chose.
Sauf que ....
Cette formidaaaable idée, tel un virus se répandant dans un film de Roméro, a essaimé dans toute la France, même à Mirmande.
Oh point ici de mix électro douteux ou de festival de djembé joué par d'hirsutes jeunes en rupture sociale. On est plus dans le feutré quelque chose entre le jazz manouche et la chanson réaliste française (qui depuis 10 ans est devenue le cache misère de la production musicale hexagonale).
Alors d'abord de la guitare classique sans paroles, c'est sympa mais pas trop longtemps non plus.
Bientôt remplacée par de la chanson à guitare mais avec des paroles qui riment pas trop, chantée fort par un nouveau Moustaki, là c'est vite pénible.
Enfin se ramène le groupe de chanson française (les Félines Beautés) avec tout l'attirail du parfait groupe (basse, guitare, batterie, chant et synthé) qui fait du bruit (mais pas trop quand même), avec des textes qui parlent de chats, de superstition, de rencontres sur les quais du métro, le tout rythmé par un piètre batteur.
Alors là c'est un "garçon l'addition" sitôt le dessert mangé sans prendre de café, sans s'attarder encore et encore à cette douce terrasse, maintenant envahie par tous les habitants du village attirés par la caution rumeur.
Nous fuyâmes au sommet du village, vers l'église du XII ème qui le couronne, à travers un dédale de ruelles pentues pour enfin trouver le silence à nouveau.