On écrit des mots, puis ensuite on les tord dans tous les sens pour leur faire suivre le chemin que l'on voudrait, pour qu'au final on trouve devant nos yeux un texte qui ressemble à quelque chose de lisible.
C'est un exercice parfois difficile, mais les mots, les lettres sont une matière malléable, adaptable.
Etre assis sur une chaise en plastique, dans une superbe salle voutée d'un ancien dépôt de grains, lors d'un vin d'honneur de mariage, est par contre une expérience plus délicate. "Vin d'honneur" dites vous ? Oui « apéritif » ça a un côté plus connoté, plus négatif, bien moins chic. Mais en fait c'est la même chose boire d'un côté du pastis ou de l'autre du champagne et voir au final la discussion vite dériver sur les bas côtés et se prendre des platanes de face.
Assis donc sur une chaise à attendre que le temps passe, en se disant qu'à cet instant on serait mieux n'importe où ailleurs, est là une expérience plus délicate, presque mystique, qui vous permet de presque réellement « voir » le temps qui s'écoule, l'épaisseur des minutes, le relief des secondes.
Comme tous les autres vous videz des coupes de champagne tout en surveillant légèrement votre progéniture qui coure en tous sens, même pas frappée par la beauté de ces arches en ogives datant du 15 ème siècle.
Sinon le reste ne fut que convenances sociales et effervescence familiale pour ne pas rater le « plus beau jour de sa vie ».
Photos dans un parc, mariés qui essaient de consacrer plus de 10 secondes à chaque invité tout en leur laissant l'impression que l'on a eu le privilège d'échanger 2 mots avec eux, oncles en costumes de 1984, prix oublié sous des chaussures achetées le matin même, maire officiant à la chaîne, klaxons crispants, enfants surexcités, famille éparpillée se retrouvant en ce type d'occasion uniquement et se disant qu'il faudrait que l'on se revoit bientôt (tout en sachant que ce ne sera pas le cas) église des années 60 sinistre et décrépie pour accueillir l'union d'un couple qui n'ira plus à la messe ensuite, mais qui par ailleurs fera baptiser ses enfants par habitude, dans quelques années.
2 Frangins aux cheveux blancs (clavier et basse), accompagnés d'un mercenaire à la guitare, ont essayé de rythmer l'homélie du prêtre en chantant de naïves chansons à la gloire du Christ. Cette tentative n'empêchera manifestement pas l'hémorragie des fidèles hors du royaume de Dieu, elle pourrait même l'encourager.
Le vin d'honneur fut ensuite suivi d'une migration vers le restaurant où fut servit un peu plus de champagne, histoire de bien faire passer dans le rouge les derniers récalcitrants. Le repas fut servit tardivement, les enfants ne mangèrent évidement rien, plus occupés, pour les plus petits, à continuer à courir après on ne sait quoi et pour les plus grands à jouer à Mario Kart en réseau.
Le lendemain rebelote dans une salle des fêtes. Les costumes avaient été jetés aux orties, le pastis et le whisky étaient de sortie, les enfants continuaient à s'agiter sur la pelouse, increvables, insensibles à la fatigue qui se lisait elle sur les visages des grands.
L'église voisine indiquait 16 heures, il était grand temps de rentrer.
Qui a dit fuir ?