Etant né une année fortement érotique (mais son pouvoir s'est rapidement estompé ensuite), j'avais donc 12 ans en 1981.
Je devais avoir une coupe de cheveux indistincte, de grosses lunettes, un front gras et un sous pull à col roulé en lycra, vous avez ceux qui se déclinaient au choix en vert pomme, bleu, jaune, marron, rouge.
Bref la panoplie du parfait séducteur.
J’entrais en 5 eme, classe que j’ai d’ailleurs vaillamment redoublée, à Valence dans la Drôme. J’avais un beau vélo bleu (et des pinces à vélo, oui j'étais bidon) et beaucoup d’illusions sur le monde.
Je voulais être journaliste. C’était ma seule certitude, même si je ne savais pas vraiment quoi ranger derrière ce mot, mais ça faisait bien de l’affirmer haut et fort autour de moi.
Je passais mon temps extra scolaire à m’ennuyer et à lire.
Mes vacances d’été se passaient dans les Landes avec plein d’autres enfants (le bonheur) et ensuite chez ma grand mère, qui n’habitait pas derrière chez le garde barrière, mais dans le Cher au milieu des champs. Comme dans le sketch du comique Laurent Gerra on allait dans la cabane au fond du jardin et il n’y avait pas de salle de bain. Bref la déconne totale, sans voiture, ni vélo, ni frère et sœur (je les ai mangés à la naissance) pendant 3 longues semaines, dans un petit village qui déjà 25 ans en arrière commençait à agoniser.
Les échos du monde m’arrivaient au travers d’une radio calée sur les grandes ondes et d’une télé en noir et blanc, vous savez ces modèles qui se fermaient à clé.
En mai, Jean Paul, 2 de son numéro, voyait un opposant à l’entrée de la Turquie dans la Communauté Européenne essayer de lui piquer sa belle papamobile à Rome. Le tout se termina aux urgences.
Ronald lui aussi eu maille à partir avec un déséquilibré, en août, qui lui reprochait peut être d’avoir arrêté sa carrière d’acteur trop tôt. Toujours le mot pour rire il dit à Nancy qu’il « n’avait pas eu le temps de plonger » avant de s’écrouler truffé de plomb.
En Irlande Bobby Sands perdait sa partie de bras de fer contre la petite Margaret connue pour son sale caractère et sa collection de disques de Renaud.
En France la Révolution était là, les chars russes à nos portes, des milliers de personnes fuyaient sur les routes en direction de la Suisse. François piquait la place de Valery grâce à Jacques, ce fameux 10 mai.
Il me reste de 1981 l’ image de Mitterrand s’affichant sur un écran de minitel, gros pixels à l’appui.
Pour moi ces années là sont juste un prolongement des années 70, baignant dans un halo orangé et de fumée de cigarette sur laquelle tout le monde tirait de partout, en toutes occasions, sans se soucier de santé publique, ni de modération, contre révolution des temps modernes.
Le TGV et le minitel pointaient leur bout du nez en plastique. La vraie révolution était là en fait.
Il ne manquait plus que la privatisation d’une chaîne de télé pour basculer complètement dans la société moderne et aussi le grand n’importe quoi.
Côté musique, Chagrin d’Amour m’a beaucoup marqué, cette manière nouvelle de chanter certainement, ainsi que la musique de la Boum que diffusait Europe 1 ou RTL tous les soirs dans leur Hit Parade, certainement présenté par Jean Loup LAFFONT ou André TORRENT. Pour plus de pochettes moches, de photos improbables, de belles moustaches (notez celles de Richi et Poveri) et de cris d'effroi quant à 1981, je vous conseille un petit détour par là.
ACDC, Police et Alice Cooper, n’étaient alors que des noms vides de sens gravés sur les tables de mon collège. Les radios libres allaient bientôt remettre de l’ordre dans tout cela et diffuser leur bonne parole pendant quelques années au moins.
PS : Franck est à l’origine de toute cette histoire, ce brusque accès de nostalgie, qu’il en soit remercié.